Le mythe du « syndrome de Paris » : véritable enjeu pour le rayonnement français

Voyager ou vivre à l’étranger peut entraîner de fortes déceptions du fait du décalage entre les attentes et la réalité. Il arrive dans des cas plus rares que les voyageurs présentent des symptômes psychologiques et physiques qui subsistent après le retour. En 2011, « sur le million de Japonais venus à Paris, vingt auraient été touchés. Parmi eux, six auraient même dû être hospitalisés ».  De fait, de moins en moins de Japonais passeraient leur été en France à cause de ce « syndrome de Paris ». Au-delà du mythe, ce syndrome révèle les défis de la politique d’influence française.

Le « syndrome de Paris », un syndrome à l’existence controversée mais révélateur

En 1986, le psychiatre japonais Hiroaki Ōta utilise le terme de « syndrome de Paris ». Alors qu’il travaille au centre hospitalier Sainte-Anne à Paris, il constate en effet que de nombreux patients japonais connaissent les mêmes troubles du comportement symptomatiques d’anxiété (vertiges, hallucinations, troubles du rythme cardiaque, crises d’angoisse, etc.).

Ce syndrome n’est pas officiellement reconnu et il est même fortement critiqué. En effet, sur la soixantaine de cas recensés entre 1988 et 2004, une majorité a des antécédents de troubles psychologiques ou psychiatriques comme la schizophrénie. D’autres syndromes similaires ont néanmoins déjà été observés, à l’instar du syndrome de Florence – aussi appelé syndrome de Stendhal, du syndrome de Jérusalem ou du syndrome d’Inde.

La déception due à l’écart entre les fantasmes et la réalité existe, même s’il n’est pas reconnu scientifiquement qu’elle peut engendrer des réactions extrêmes d’angoisse. Elle reste intéressante à étudier pour identifier les défis de la politique d’influence de la France au Japon et dans le reste du monde. Les touristes japonais ne sont en effet pas les seuls concernés, ce qui a de fortes conséquences économiques en France.

Les effets négatifs sur le tourisme en France : le paradoxe d’une politique d’influence trop efficace ?

Les étrangers, et en particulier les Japonais, ont une vision romantique et élégante de Paris. Le vécu est tout autre : incivilités, agressions régulières, vols, saleté, congestion dans les transports, cherté de la vie, lenteur administrative, etc. Il existe aussi un décalage culturel, notamment dû à l’humour ou à la barrière de la langue, qui créé une « culpabilité » de ne pas réussir à s’adapter, selon Yoshikatsu Aoyagi, Premier secrétaire du service consulaire à l’ambassade du Japon à Paris en 2005 et alors interrogé par Le Figaro.

Paradoxalement, c’est donc la trop grande efficacité de la politique d’influence de la France qui est en cause mais pas uniquement. En 2001, les images du film Le fabuleux destin d’Amélie Poulain avaient déjà connu un succès mondial mais aujourd’hui c’est la série américaine Emily in Paris ou la presse étrangère qui se chargent de brosser un portrait si idéalisé de la capitale. La France perd donc la souveraineté sur sa propre image à l’international et en subit les conséquences. Pour les raisons citées plus-haut, les Coréens et les Japonais, les touristes les plus durement touchés par ce syndrome, délaissent de plus en plus Paris comme destination touristique. La France doit donc se réapproprier son image en exportant des films plus nuancés, comme Intouchables, ou en profitant d’occasions d’envergure internationale, telles que celle que lui offrent les Jeux olympiques (JO).

Les JO 2024 comme opportunité pour contrer le « syndrome de Paris »

Force est de constater que, quelles que soient les sources (rapport de Euromonitor International, l’Organisation mondiale du tourisme, World Travel & Tourism Council…), la France est dans le top 10 des pays les plus visités chaque année depuis plus de vingt-cinq ans. Et les touristes japonais restent nombreux : ils étaient la troisième communauté la plus représentée des touristes olympiens en France en juillet 2024 .

Corinne Menegaux, directrice de l’Office de tourisme de Paris, espère ainsi que, même si le nombre de touristes étrangers a diminué pendant les JO 2024, les événements serviront de « levier sur la fréquentation touristique » à Paris et en France sur les deux ou trois prochaines années. Ils ont pu par exemple faire naître un certain intérêt pour les quartiers délaissés, comme celui de Seine-Saint-Denis. Selon le Président de la République, les Jeux auraient en effet montré « le vrai visage de la France » en étant « un succès de sécurité, d’organisation, un succès sportif et populaire ». De quoi contrebalancer les mauvaises surprises à l’origine du « syndrome de Paris », que ce soit pour les touristes étrangers ou pour les Français.

Par Audrey BRIANE